Fichier positif : la Cour des comptes veut dresser la liste des surendettés
Initialement prévue pour être l’une des mesures phares de la loi Lagarde de 2011 puis de la loi Hamon, la mise en place d’un fichier des « surendettés » n’a finalement pas vu le jour lors du vote de la loi Consommation en 2014. Ce fichier, censé contenir le nom des personnes ayant un ou plusieurs crédits de consommation en cours et à destination des professionnels du prêt, avait pour but final d’éviter le surendettement des particuliers.
Appelé « fichier positif », il devait recenser tous les Français disposant déjà d’un crédit. Les banques et les établissements de crédit devaient y avoir accès pour vérifier la solvabilité du client et la présence ou non de crédits déjà en cours. Ce fichier fait aujourd’hui sa réapparition dans un rapport récent de la Cour des comptes.
L’opposition des banques, de la CNIL et des associations de consommateurs
Depuis 2011, la création d’un tel fichier semble poser problème aux différents acteurs concernés.
Pour la Fédération bancaire française (FBF), il s’agirait d’une « fausse bonne solution » contre la baisse de ressources des ménages français. De plus, l’existence de crédits précédents ne permet pas forcément de juger de la solvabilité et des capacités de remboursement d’une personne. En effet, le fichier ne prend pas en compte l’ensemble des dettes et charges (impôts, dettes entre particuliers, eau, électricité, obligations alimentaires ou loyers impayés).
Autre argument de taille : le coût considérable de ce fichier. En 2014, Benoit Hamon prévoyait 15 millions d’euros pour sa création et plus de 30 millions par an pour son fonctionnement.
Le fichier positif concernerait près de 25 millions de personnes ayant un crédit et 200 000 dossiers de surendettement chaque année en France. Pour le protecteur des données personnelles, la CNIL, il s’agit d’informations sensibles et personnelles dont le regroupement dans un tel fichier peut être dangereux.
Pour les associations de consommateurs, comme l’UFC-Que choisir, la mise en place d’un fichier détaillant les crédits accordés aux particuliers aurait un effet pervers sur le montant des crédits. Les banques, jusqu’à présent méfiantes sur les capacités de remboursement, auraient alors une certaine facilité à augmenter les crédits accordés après consultation du fichier. Donner plus qu’avant conduirait au final à créer plus de dettes.
La censure du Conseil Constitutionnel
Les dispositions relatives à la création de ce fichier des détenteurs de crédits à la consommation avaient été censurées par le Conseil Constitutionnel dans une décision de mars 2014 peu avant le vote de la loi Consommation.
Le gardien du respect de la Constitution et des Droits de l’Homme avait alors estimé que la création d’un tel fichier porterait atteinte à l’article 8 de la CEDH garantissant le respect de la vie privée et familiale. Le but recherché n’était certainement pas la violation d’un tel droit.
La Cour des comptes tient à la mise en place d’un système efficace
Dans une enquête récente relative aux politiques publiques d’inclusion bancaire et présentée au Sénat le 25 juillet 2017, la Cour des comptes fait une dizaine de recommandations en la matière. Parmi celles-ci, elle conseille de mettre en place « un fichier d’alerte portant sur les crédits à la consommation. »
Voilà une idée qui nous rappelle vaguement quelque chose ! Pour la Cour des comptes, la création du fichier devra se faire dans le respect des exigences du Conseil Constitutionnel et sous le contrôle de la Banque de France. En rappelant que plus de 40% des surendettés ont à leur actif plus de 4 crédits à la consommation, elle préconise la création d’un fichier partagé d’alerte : « Il est urgent de lutter contre un phénomène d’accumulation de crédits souscrits auprès de souscripteurs différents ».
Face à la menace de censure et à la délicate question de la gestion des données personnelles, une autre solution est proposée : demander au consommateur de fournir ses trois derniers relevés bancaires lors d’une demande de crédit à la consommation. Cela permettra au prêteur de jauger de sa solvabilité et ne pas aggraver une situation de surendettement.
Reste à savoir quelle solution sera concrètement mise en place pour prévenir les ménages et les empêcher de souscrire des crédits à la consommation souvent plus nocifs que bénéfiques pour leurs finances. La Banque de France quant à elle doute fortement de l’efficacité du fichier positif qui a déjà montré ses limites dans d’autres pays européens notamment en Belgique et en Allemagne.